Le laboratoire pharmaceutique Servier et la biotech marseillaise Neurochlore ont annoncé le 15 mars dernier la signature d’un accord de licence exclusive pour le développement et la commercialisation de la bumétanide dans l’autisme chez l’enfant en Europe. Un médicament qui pourrait devenir le premier traitement global des symptômes clés de ce trouble neurodéveloppemental complexe. Selon les termes de l’accord, Servier développera et commercialisera le produit en Europe et Neurochlore conservera les droits pour les USA. Les droits pour les autres pays sont en négociation. Le plan de développement inclut 3 études de phase 3 avec une formulation liquide orale destinée à l’enfant. Un dépôt de demande d’Autorisation de Mise sur le Marché est envisagé fin 2021.
Le professeur Ben-Ari travaille depuis plusieurs années sur le mécanisme d’action de la bumétanide. En 2014, ses travaux, publiés dans la revue Science, ont montré qu’il était possible, dans des modèles animaux, en traitant des femelles gestantes avec de la bumétanide, de prévenir des comportements autistiques chez leurs descendants. La bumétanide agit sur les concentrations élevées de chlore dans les neurones observées dans certaines maladies neurodéveloppementales comme l’autisme. Ces travaux ont rapidement ouvert la voie à des études cliniques chez l’homme. Une étude de phase 2A a tout d’abord été réalisée par le Dr E. Lemonnier, puis un essai de phase 2B multicentrique a été mené par la société Neurochlore dans 6 centres en France sur près de 90 enfants (2-18 ans). Cette étude vient de montrer des résultats encourageants en faveur de la bumétanide sur plusieurs échelles d’autisme. Ces résultats, publiés en mars dernier (1), permettent d’envisager une prise en charge globale du trouble et particulièrement de ses symptômes clés, le déficit social et les comportements stéréotypés.
L’utilisation prolongée chez l’enfant de la bumétanide peut être envisagée car son acceptabilité chez l’adulte est bien documentée, ce produit étant utilisé dans l’insuffisance cardiaque et les oedèmes d’origine rénale et hépatique depuis de nombreuses années. L’autisme est un trouble neurodéveloppemental complexe qui touche environ un enfant sur 100, avec une prévalence quatre fois plus forte chez les garçons. Les causes de ce trouble restent inconnues à ce jour et aucun traitement n’est disponible. La prise en charge est uniquement symptomatique et passe par des thérapies éducatives personnalisées.
« Je suis ravi de voir que les recherches fondamentales que nous menons depuis plusieurs décennies sur le développement des courants ioniques vont aboutir au traitement d’un syndrome qui n’en a pas à l’heure actuelle. Cela illustre l’importance de la recherche fondamentale de type cognitif et de la collaboration avec des médecins et psychiatres comme le Dr E. Lemonnier. J’ai toujours considéré que les recherches expérimentales doivent être centrées sur des concepts majeurs sans préjuger d’une application qui peut éventuellement et ultérieurement survenir de façon inattendue, » a déclaré le Pr. Yehezkel Ben-Ari, Président de Neurochlore. « La compréhension du développement des réseaux neuronaux dans des conditions pathologiques ouvre ainsi la piste à de nouvelles approches thérapeutiques de maladies cérébrales, surtout lorsqu’il s’agit de syndromes ayant une origine intrautérine.»
Christian de Bodinat, Directeur du pôle R&D des maladies neuropsychiatriques chez Servier, conclut : « Nous sommes enthousiastes à l’idée de participer au développement d’un produit qui a le potentiel d’être le premier traitement des symptômes clés de l’autisme. Cet accord témoigne de notre volonté de focaliser notre recherche sur des pathologies à très fort besoin médical et d’apporter des solutions thérapeutiques innovantes pour les patients souffrant de maladies neurodéveloppementales. »
1 Translational Psychiatry (2017) 7, e1056; doi:10.1038/tp.2017.10; published online 14 March 2017
Source : Servier mars 2017
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